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Conte ; Prassinelle

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un conte pour les enfants différents, plus brillants (créé par moi)

Un beau jour de printemps, au dos d’une feuille de rosier, 300 larves de coccinelle grises déchirent leur enveloppe. Toutes virent à au noir et orange, mais surprise ! Une petite coccinelle est restée grise, sans aucune tache orange.

Et lorsque, 2 jours après, toutes nos coccinelles sont devenues rouges, celle à carapace grise est devenue vert vif, comme une émeraude !… même, elle est plus brillante que les autres, parce qu’elle a des reflets dorés & irisés…

Toutes les coccinelles cheminent avec confiance sur n’importe quel sol, sachant que leur couleur rouge signale à tous leur toxicité…, mais notre héroïne, elle, est prise pour une sauterelle ou un scarabée et doit se cacher des oiseaux mangeurs d’insectes.

Heureusement, en restant immobile sur des feuilles, elle devient presque invisible.

A chaque fois qu’elle doit quitter le couvert des arbres, notre coccinelle coupe une feuille et la transporte sur son dos pour se dissimuler aux yeux des volatiles insectivores.

Et en cas de rencontre avec des souris, des taupes ou des hérissons, la maligne se sert de la feuille non plus comme d’un parasol, mais comme d’un paravent.

Plus exposée qu’une autre, notre héroïne s’attendait à trouver chez ses sœurs, protection et réconfort ; après tout, elle a 6 pattes, la taille & la forme bombée d’une coccinelle, comme les autres …

Mais les autres craignent la différence, et la rejetent ; sa couleur spéciale, sa brillance, son esprit astucieux, choquent ses consoeurs à l’esprit étroit.

« Différence engendre haine », dit-on, et voilà la cause du racisme dont elle faisait l’objet et des méchancetés qu’elle subissait chaque jour.

Son comportement était aussi sévèrement critiqué par les autres ;

– Au lieu d’être tout le temps avec les autres coccinelles, à papoter ou à danser, elle a besoin de se retrouver seule pour recharger ses batteries. Très vite submergée par les bruits, les couleurs, les musiques, les odeurs, il lui faut régulièrement se ressourcer à l’écart, ce qui la fait juger asociale. D’ailleurs, les autres se moquent de cette sensibilité exacerbée et s’amusent à la taquiner, juste pour la faire pleurer et pouvoir en rire toutes ensemble.

– Elle est souvent si plongée dans ses pensées que quand elle se promène, elle ne voit pas les autres et ne les salue pas (ce qui lui fait une réputation d’orgueilleuse et de snob).

– Quand quelqu’un lui parle, elle sait qu’on attend d’elle de regarder l’autre dans les yeux et elle essaie de le faire, mais alors, elle ne comprend pas un mot de ce qui se dit. Elle doit regarder ailleurs, pour suivre sa conversation – et pour ceci, elle est jugée hypocrite et insincère.

– Alors que les autres vivent sans se poser de questions et savent tout de la vie de Ladybug Gaga, elle ne connaît rien des idoles à la mode et à la place, pose des tas de questions sur le fonctionnement de l’univers, ou sur les étoiles, ou s’occupe des mouches fossilisées dans l’ambre. La coccinelle ne se reconnaît pas dans ces intérêts égoïstes & superficiels ; les buts matériels lui semblent dérisoires et elle rêve à des buts plus élevés ; aider les autres, sauver la forêt, …

A l’école, elle pose plein de questions, car elle veut toujours tout comprendre. Aussi, l’autorité doit être justifiée, logique ; elle ne l’accepte pas « telle quelle ».

Souvent, ses pensées vagabondent, elle rêvasse et rate le cours.

Et même quand elle fait bien attention, elle se fait rabrouer :

– Oh là là ! Toujours la même qui perturbe le cours et retarde tout le monde avec ses questions oiseuses !

-Tu veux encore te faire remarquer !

– On verra ce sujet l’année prochaine…

– Tu es insolente !

– Parce que c’est ainsi & pas autrement !

– Tu es trop sensible, tu pleures pour un rien !

Notre amie s’indigne devant l’injustice : alors que les autres laissent passer sans réagir les injustices, elle défend une camarade maltraitée ou injustement accusée, et se bat pour elle, même si elle est plus petite que l’attaquant.

Mais si elle-même se fait agresser ou punir injustement, chacun la laisse se débrouiller seule…

Pour tout ceci, elle est réputée bizarre, asociale, prétentieuse, elle fait peur aux autres, qui la rejetent encore plus.

Alors, elle tente d’expliquer, de justifier ses actions … mais rien n’y fait ; les autres n’écoutent pas ses explications et préfèrent garder leur opinion.

Comble de malchance ; comme elle ressent très fort l’atmosphère d’un lieu & que ça l’affecte profondément, elle agit encore plus bizarrement et ne cesse de mettre les pieds dans le plat … ce qui aboutit à sa mise à l’écart.
Les autres coccinelles refusent de parler avec elle et elle est souvent moquée ou traitée d’anormale. Il lui arrive souvent de trouver un beau puceron bien gras et de le donner à une de ses sœurs, pour se faire accepter… mais ce geste n’est jamais réciproque ; quand elle ne trouve rien à manger, elle doit jeûner, car les autres ne partagent pas avec elle.

Certaines coccinelles ressentent un mépris pour cette anomalie, d’autres la harcèlent juste pour suivre le mouvement et éviter le rejet, bien heureuses que « ça tombe » sur une autre  …

Bien que ressentant une tension continuelle en société, notre amie a tant besoin d’amour qu’elle fait de gros efforts pour s’intégrer… Pourtant, elle est douloureusement consciente de sa différence, elle s’en rejette toute la faute et se reproche de ne pas pouvoir agir dans la norme…

Comme elle a remarqué qu’à chaque fois qu’elle donne son avis, elle se fait critiquer et moquer, elle laisse parler les autres, et tente de dissimuler qui elle est … mais agir ainsi la met mal à l’aise ; elle se sent comme un imposteur !

D’ailleurs, ce n’est même pas efficace ; elle a beau rester silencieuse et tenter de se fondre dans la masse, les autres sentent toujours sa différence et l’excluent… Ce que disent les intelligents semble toujours ridicule aux crétins mal informés & dépourvus de sens commun.

Elle finit par se demander quelle est l’utilité d’aller à des réunions si c’est pour se sentir mal dans sa peau, se faire moquer ou rejeter et souffrir. Et elle conclut qu’il est plus malin de rester chez soi … Mais comme la solitude l’effraie, elle continue à se recharger du fardeau de la sociabilité. Après avoir repris des forces, elle repart courageusement se jeter dans l’arène… comme un taureau à la corrida !

Elle croit que si elle parle doucement, qu’elle se fait toute petite, qu’elle supporte tout sans réagir et se rend utile, les autres cesseront de la craindre et finiront par s’habituer à sa couleur, pour ne voir que la gentille créature qu’elle est… Mais en vain ; les préjugés ont la vie dure !

Dans son désir désespéré d’être comme tout le monde, elle écrase une framboise et se roule dans le jus pour se rendre rouge, mais le jus coule sur sa carapace et elle reste aussi verte qu’avant.

Elle s’oblige à manger des fruits rouges, dans l’espoir que cela déteindra sur sa carapace.. Mais elle reste désespérément verte !

Soumise à ce régime délétère, elle dépérit un peu plus à chaque jour, car « Il n’y a pas d’autre mort que le manque d’amour »…

Elle n’est pourtant pas totalement en marge de leur société ; elle a un job ; détecteuse de poison.

En effet, comme les humains mettaient des pesticides sur leurs rosiers, les pucerons – qui sont l’unique nourriture des coccinelles – en étaient imprégnés, et donc, elles en mouraient.

Les autres ayant remarqué que notre originale avait des sens très affinés & percevait toujours les rosiers traités aux pesticides, son travail était d’aller renifler les rosiers & d’indiquer lesquels étaient « sûrs » et lesquels il fallait éviter.

Ce travail dangereux aurait dû lui valoir la reconnaissance des autres, mais même là, on ne faisait que profiter d’elle sans lui montrer plus de considération ou d’amitié. Elle dut constater que ce talent était la seule raison pour laquelle les autres lui parlaient… On ne la tolérait – à peine ! –  que parce qu’elle était utile ; par intérêt, donc, et jamais par amitié.

Devoir comprendre ceci lui brisa le cœur, car elle aimait tout le monde et désirait désespérément être intégrée parmi ses soeurs et y avoir des amies  …

Notre héroïne veut vivre, mais force est de constater que sa situation devient chaque jour plus pénible & douloureuse et elle en vient à se dire qu’elle ne mérite pas ces traitements dégradants.

Un matin, une pensée lui vient ; elle se dit « j’adore le goût du puceron, mais si, à chaque fois que j’en mange un, je devais avoir des crampes d’estomac pendant 8 jours, je cesserais d’en manger, car les inconvénients dépasseraient les bénéfices…

Arrivée aux limites de ce qu’elle peut supporter, elle se rend à l’évidence : tant qu’elle restera parmi cette « fratrie » si peu fraternelle, elle devra subir des avanies & ne sera jamais acceptée’.

Pour sauver sa vie, elle doit partir ! Elle espère qu’en chemin, elle trouvera des êtres qui ne la jugeront pas sur son apparence, mais sur son cœur, qu’elle a grand.

Elle décide que, puisque ses semblables (ou plutôt, « ses différentes ») lui sont toxiques – n’étant pour elle que des sources de souffrance & non de soutien – elle doit s’en éloigner.

Alors, elle fait son petit baluchon, ouvre ses ailes, et, jetant un dernier regard sur son village, prend son envol.

Au début, sentant qu’elle est encore faible de tous les traumas subis et qu’elle doit se reconstruire, elle choisit de faire une période de retraite, seule. Pour éviter toute rencontre dangereuse – où elle pourrait se faire moquer ou insulter, donc, affaiblir encore plus – elle choisit de vivre sur une feuille de groseillier, et de ne venir se nourrir sur les rosiers qu’au lever ou au coucher du soleil.

Notre petite amie vit ainsi dans le calme de l’isolement durant plusieurs semaines.

Mais comme elle a un cœur aimant, la solitude commence à lui peser et ce besoin d’amitié la rend hardie, et lui fait désirer de nouer des contacts avec la colonie de coccinelles vivant dans ce lieu éloigné. Peut-être une autre famille, plus tolérante, va-t-elle l’adopter & l’aimer enfin…

Elle survole des jardins fleuris, où elle cherche des rosiers ; car là où il y a des rosiers, il y a des pucerons et où il y a des pucerons, il y a des coccinelles !

Elle a vite fait de découvrir un clan de coccinelles. Durant l’heure du midi, elle se pose près d’elles sur une feuille, et engage la conversation.

Mais ces coccinelles-là ont la même réaction que ses sœurs : sa différence de couleur les étonne d’abord, puis les effraie… Là aussi, son aspect provoque stupeur, puis crainte, puis hostilité et rejet.

«  Ma parole, elle se prend pour l’arc-en-ciel ! », « Elle fait la fière à être brillante comme ça » ou « Voyez quelle orgueilleuse ! », disent ces coccinelles. Mais notre pauvre amie ne fait pas exprès d’être verte et irisée ; elle est juste née ainsi ! Elle voudrait bien être comme les autres, d’un beau rouge fraise ou coquelicot !

Loin de tirer orgueil de sa différence, elle se juge inférieure aux autres !

Ressentant la fausseté de ce qu’on lui reproche, et à quel point c’est injuste et blessant, elle se remet à réfléchir ; à présent qu’elle se connaît, elle sait que l’isolement ne lui convient pas – en tout cas, pas longtemps, et que, même si elle apprécie parfois d’être seule, elle a besoin de compagnie.

Songeant que celles de sa race lui semblent étrangères et la traitent aussi comme une étrangère, elle comprend que la famille ou la patrie, ce n’est pas là où l’on est né, ni de vivre avec des êtres physiquement semblables à nous, mais c’est là où est notre cœur, là où l’on est entouré d’êtres qui nous ressemblent par le cœur et l’esprit. L’apparence extérieure n’a rien à y voir.

Elle reprend son envol et décide d’aller vers la forêt, car elle sait que peu de coccinelles y vivent.

Prenant de la hauteur, elle distingue un petit bois pas loin et s’y rend à toutes ailes. Une fois arrivée, elle va se poser sur plusieurs feuilles d’arbres, en quête des pucerons, mais il n’y en a pas…

« Ici, je ne risque pas d’être en butte à la méchanceté de mes soeurs – pense-t-elle – mais je ne peux pas y rester, sous peine de mourir de faim… Je dois revenir vers la ville et ses jardins fleuris ».

Aussitôt dit, aussitôt fait !  Elle trouve un petit jardin plein de roses de toutes les couleurs, et décide d’y emménager.

Elle fait la connaissance d’une jeune sauterelle qui semble amicale, et à laquelle, dans son désir éperdu d’avoir une amie, elle se lie. Mais la sauterelle, au lieu d’être une amie désintéressée, ne la voit que pour lui demander des services et fait bientôt montre de brutales sautes d’humeur … Parfois elle se montre gentille mais d’autres fois, elle pousse rudement notre amie, ou lui fait des méchantes remarques.

Et si notre coccinelle proteste, elle lui dit ; « Tu n’as pas d’humour, ma parole ! »,  ou encore : « Quel sale caractère tu as ! Tu ne supportes pas une innocente petite blague ! »

Ou elle lui ordonne d’aller lui chercher des graines placées très haut dans les arbres – au risque de se faire repérer par un oiseau et avaler ! Voilà une « amie »  bien peu amicale, et dangereuse à tous points de vue !

Notre coccinelle était si heureuse d’être acceptée, qu’elle a donné son coeur à l’autre mauvaise, et se coupe en 4 pour lui faire plaisir. Seulement, cela ne suffit jamais ; l’autre la cingle d’une pluie constante d’accusations et de remarques blessantes.

Notre héroïne ne veut pas rompre cette « amitié », car c’est la seule qu’elle a, et réaliser que la sauterelle est mauvaise et ne pense qu’à l’utiliser lui déchirerait le coeur.  Mais finalement, la souffrance est trop grande ; elle doit enfin s’avouer que l’autre ne l’aime pas et, se fiant à ses sensations (douleur, angoisse, tristesse), notre amie se sépare de cette méchante compagne. « Mieux vaut être seule que mal accompagnée », conclut-elle !

Notre héroïne rencontre alors un hanneton ; un soir qu’elle était sous une feuille de sureau, en train de se repaître d’un gros puceron, elle a remarqué une bestiole qui dormait sur le tronc ; c’était notre coléoptère ; un gros hanneton brun.

Il s’est éveillé (car les hannetons vivent la nuit) et en la voyant, s’est aussitôt présenté ; Albert… Puis, il s’est mis à grignoter la feuille. C’est bien ; ils ne se feront pas concurrence pour la nourriture !

Comme il était seul, ils ont commencé à converser… pour découvrir qu’ils avaient plein de points communs ; un bon cœur, un niveau élevé de perception, et un fort désir d’amitié et de tendresse.

Avec lui, la coccinelle se sent bien, il ne lui reproche pas sa couleur, ni ne pense à profiter d’elle…

Elle remarque avec plaisir que lui aussi a besoin de s’isoler après plusieurs heures passées « en public », que lui aussi n’arrive pas à écouter en regardant dans les yeux, que lui aussi est un penseur et s’intéresse à des choses profondes.

Albert semble donc être, comme elle, un individu unique et original, et non un « membre du troupeau » avec des idées conventionnelles et le désir que tout le monde vive comme lui ; il la comprend, apprécie son esprit et son bon coeur, et accepte sa façon d’agir. Elle a enfin trouvé un « frère » ; quelqu’un comme elle, d’un peu spécial. Bientôt, ils se voient de plus en plus longtemps et ont de longues conversations passionnantes ensemble.

Tous 2 ont les mêmes traits de caractère ;

– Ils s’intéresssent à tout et ont une curiosité insatiable pour le monde qui les entoure,

– La musique les fait frissonner, ou même pleurer – tout comme un beau lever de soleil ou une belle fleur (ici, pas de risque de se faire moquer pour cela !),

– Leur humour est un peu étrange (et là, ils peuvent s’y livrer sans se faire traiter de fous, ou se faire reprocher de faire des piques !).

Nos 2 amis ne peuvent se voir le jour, car le hanneton dort à ce moment, mais comme ils fréquentent les mêmes buissons pour se nourrir, ils peuvent discuter chaque matin et chaque soir et ainsi, leur amitié se renforce un peu plus chaque jour.

Le coléoptère ne paie pas de mine, mais il possède un bon caractère et plein d’expérience de la vie.

Il l’amuse, lui raconte des blagues qui la font pleurer de rire, et le soir, lui joue du violon sur ses antennes frangées.

Il lui a même trouvé un nom ; il lui a dit : « le mot coccinelle vient du latin vient du grec « kokkino », signifiant rouge. Alors, je te baptise « Prassinelle », puisqu’en grec, « prassino » signifie vert ».

La coccinelle, en entendant cela, est aux anges. Elle n’est plus un numéro, un clone parmi des milliers d’autres ; elle est un individu !

Elle explique à Albert qu’elle s’était déjà donné un nom : « Eliane », parce que ça fait référence à « alien », que depuis toujours, elle se sent étrangère au reste de ses compagnes …

Dorénavant, elle n’a plus honte d’être ce qu’elle est, d’être différente des autres coccinelles, elle ne ne voit plus sa différence comme un défaut et n’essaie plus de se fondre dans la masse…

Elle volette gaiement, fière de sa différence qui est en fait une qualité, de cette couleur émeraude qui la rend unique, et de son intelligence.

Sa différence n’est un handicap qu’avec des êtres au caractère rigide, aux idées basses et bornées ! Loin de constituer une infériorité, sa différence, avec cette sensibilité exacerbée & ce besoin de justice, est un vrai trésor pour le monde !

D’ailleurs, elle et son ami Albert se rendent utiles à d’autres insectes en détresse et au fil du temps, d’autres rejetés se joignent au binôme ; une araignée à 9 pattes, une abeille orange & bleu, un coléoptère rose et un moustique végétarien.

Enfin Prassinelle a une belle vie ; elle a peu d’amis, mais ce sont de vrais amis ; avec eux, elle se sent entourée, aimée, acceptée … Elle ne ressent plus de rejet, ni de doutes douloureux sur sa valeur, ni surtout la solitude, comme avant, quand elle était environnée d’un millier de ses soi-disant « sœurs ».

Elle est enfin pleinement heureuse parce qu’elle se connaît, s’accepte et qu’elle a trouvé des amis véritables !

FIN